Le début de soirée se faisait frisquet, climat cependant fort agréable pour un barbare habitué aux tempètes de neige des hautes terres. L'épée se faisait vibrante dans son fourreau, tant elle avait besoin de sa dose d'aventures quotidienne, tout comme son maître. J'enfilai mon armure et abandonnai l'absence de femme et d'enfants pour entammer une petite ballade nocturne. Pretextant un manque de buches pour alimenter la cheminée, je me dirigeai alors vers les sombres bois de Nektulos.
Hache en main, alors que je m'apprêtais à l'abattre sur une innocente branche ayant accroché mon regard d'aigle, ladite branche se mit alors à s'agiter, et évita de justesse ma hache qui fendit l'air jusqu'à se planter profondément dans le sol.
Lorsque je relevai les yeux, se dressait alors devant moi un immense treant, probablement le propriétaire de l'appétissante branche, que j'avais malencontreusement dû derranger pendant sa sieste (ça dort couché par terre maintenant les arbres?
). Mon sang nordique ne fit qu'un tour, dans un même mouvement j'évitai l'assaut furieux de l'arbre et libéra ma lame de son fourreau. S'ensuivit une joute épique opposant la sinistre cause de la survie végétale à un courageux barbare qui voulait réchauffer sa maison. Le tréant ne comprenait-il donc pas qu'il n'existait plus noble mort pour un arbre que celle offerte par la valeureuse main de l'homme?
Arriva ce qui devait arriver, et je continuai ma ballade, les restes du treant soigneusement empaquetés occupant une grande place dans mon petit sac de voyage.
C'est alors que j'aperçu au loin une silhouette familière.
C'était un barbare, d'une taille peu imposante pour un représentant de sa race (tout de même bien deux têtes de plus qu'un humain), une barbe généreuse et soigneusement taillée, je ne m'étais pas trompé, j'avais bien reconnu Iphiiku, un fier compagnon du clan barbare. Deux barbares se battant côte à côte ayant un meilleur rendement de massacre qu'un seul, nous décidâmes de nous unir afin de déverser, dans la joie et la bonne humeur, quelques héctolitres de sang sur le sol impur de cette ténébreuse forêt.
Nombreux furent les combats que nous menâmes dans l'esprit barbare, toutes les engeances que la forêt abritait goûtèrent à ma lame intrépide et à la magie déchaînée d'Iphiiku.
Malgré l'heure tardive, toute la forêt était sur ses gardes, le vacarme que produisait le fracas des armes à travers les os, la magie aussi bruyante que mortelle libérée par les incantations de mon compagnon, pas un être dans la forêt ne tremblait de voir se déchaîner sur lui la fureur des barbares. Iphikuu était tellement en phase avec les mystères des arcanes qu'il lui arrivait même de se dématérialiser en une inquiètante fumée plus sombre que le fond des océans, ce qui ne laissait rien présager de bon pour ses ennemis et ne manqua pas d'en faire fuir un bon nombre, qui ne faisaient que quelques pas pour la plupart, paralysés par les forces ésotériques, et s'écroulant bien souvent, inertes, une hache plantée entre les omoplates.
Il arrivait à mon frère d'armes d'utiliser sa lance pour me prêter main forte lorsque la magie se faisait moins présente, mais s'il était le plus noble des Destructeurs, il faisait malheureusement un bien piètre guerrier! Il m'arriva à plusieurs reprises d'éviter de justesse quelque coup manqué qui aurait pu m'être fatal!
Mais peut-être était-ce dû à un manque de concentration, car je remarquai, durant les combats, qu'Iphiiku avait les yeux davantage posés sur moi que sur l'ennemi...
Bien qu'il soit normal pour un prêtre de surveiller la santé de son coéquipier, je trouvais tout de même ce comportement très étrange.
Je lui demandai alors si quelque pensée le tourmentait, mais il détourna les yeux sans mot dire, s'éloignant vers la cible suivante qu'il s'empressa de carboniser, empoisonner, frigorifier, paralyser, dissoudre, et de l'achever nerveusement avec sa lance (la pauvre bête...). Quelques créatures de plus rajoutées à notre tableau de chasse, sans qu'aucun son n'émane de lui sinon des incantations qu'il proférait et des éclairs qui jaillissaient de ses doigts. Puis, alors que je le suivais, progressant difficilement à travers les racines qui jonchaient le sol, il se retourna sans crier gare et...
Pensant d'abord lui planter ma hache dans les tripes et mon épée à travers le visage, il me vint un affreux préssentiment... Et si c'était à nouveau l'oeuvre de la Bête?
Nous avons chacun retrouvé notre foyer, sans aucun verbiage que ce fut.
La forêt était à nouveau paisible.
Suis-je destiné à être victime des actes de la bête à tout jamais? Je dois la trouver, quelle qu'elle soit, et la détruire pour de bon!
Sur ces bonnes paroles, Lindemann posa son crâne meurtri (port du casque obligatoire quand on sort en compagnie d'un maître des arcanes armé d'une lance...) au creux de son oreiller et ferma les yeux.